Faculté de Médecine et de Maïeutique Lyon Sud – Charles Mérieux; Service de Médecine Interne, Hôpital de la Croix-Rousse, HCL; Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI), Inserm U1111
Définition
- Maladie rare
- Maladie inflammatoire non génétique
- Maladie d’organe (si idiopathique), parfois associée à une maladie systémique
- Evolution chronique possible
Épidémiologie
- 15 à 30 % des patients ayant eu un épisode de péricardite aigue (PA)
- Hommes = Femmes (alors que Hommes > Femmes pour la PA)
- Individus d’âge moyen le plus souvent
- Incidence géographique variable
Clinique
Les manifestations cliniques de la péricardite récidivante incluent :
- Douleur thoracique (90 %) : souvent décrite comme aiguë et pleurétique, augmentée en position couchée ou à l’inspiration profonde et soulagée par l’antéflexion
- Fièvre : fréquemment présente lors de l’épisode initial et lors des récidives
- Frottement péricardique (15-30 %) à l’auscultation cardiaque
- Augmentation paradoxale de la pression veineuse jugulaire à l’inspiration (signe de Kussmaul) en cas de tamponnade ou de péricardite constrictive
Examens complémentaires
- Modifications ECG (40-60 %) :
- Sus-décalage concave vers le haut, diffus et non systématisé
- Sous-décalage du segment PQ
- Microvoltage (en cas d’épanchement péricardique abondant)
- Ondes T négatives parfois
La réalisation systématique d’un ECG est recommandée (grade IC).
- Echocardiographie : épanchement péricardique (20-60%), « swinging heart» en cas d’épanchement abondant, signes de tamponnade (collapsus diastolique des cavités droites), épaississement du péricarde (en cas de péricardite chronique ou récurrente), mouvements paradoxaux ou restreints du péricarde en cas de péricardite constrictive.
La réalisation systématique d’une échocardiographie est recommandée (grade IC).
- Radiographie du thorax :
- Normale le plus souvent
- Elargissement de la silhouette cardiaque (pseudo-cardiomégalie) et aspect « en carafe » en cas d’épanchement abondant
- Calcifications péricardiques dans les cas chroniques ou de péricardite constrictive
- Epanchement pleural associé (pleuro-péricardite)
Bien que peu sensible (pour les signes précoces et les épanchements de petit volume) et peu spécifique, la réalisation systématique d’une radiographie du thorax est néanmoins recommandée (grade IC).
- Biologie: syndrome inflammatoire biologique (augmentation de la CRP, des PNN), élévation des troponines en cas d’atteinte myocardique associée (myopéricardite). Les examens biologiques sont aussi utiles dans la démarche diagnostique (infections, maladies systémiques, néoplasique ou métabolique).
Le dosage systématique de la CRP et des troponines est recommandé (grade IC).
- Le scanner péricardique (non systématique) peut montrer : un épaississement du péricarde (considéré comme pathologique si > 4mm), un épanchement péricardique, des calcifications (péricardite chronique ou constrictive), une inflammation péricardique (le rehaussement du péricarde après injection de produit de contraste indique une inflammation active)
- L’IRM cardiaque (non systématique) peut montrer : un épanchement ou un épaississement péricardique (bonne évaluation de l’épaisseur et de la structure du péricarde), un œdème péricardique (hyperintense en séquences T2) qui indique une inflammation active, un rehaussement tardif au gadolinium (LGE) indiquant une inflammation et une fibrose du péricarde. Le rehaussement tardif permet de différencier
- les formes actives, aiguë ou récidive : T2+/LGE+
- les formes subaiguës ou chroniques : T2-/LGE+ (= LGE seul)
- et l’absence de péricardite évolutive : T2-/LGE-
Diagnostic
Le diagnostic de péricardite repose sur la présence d’au moins des 4 critères suivants :
- Douleur thoracique caractéristique
- Frottement péricardique
- Modifications ECG typiques
- Épanchement péricardique sur l’échocardiographie
Le caractère récidivant est affirmé en cas de récidive après un premier épisode documenté et résolutif avec un intervalle sans symptôme d’au moins 4 à 6 semaines.
Le diagnostic étiologique repose sur la combinaison de l’interrogatoire, de l’examen physique et des examens complémentaires, notamment biologiques.
Évolution
- Péricardite aigue : dure entre 4 et 6 semaines et ne récidive pas
- Péricardite incessante: persiste pendant plus de 4 à 6 semaines mais moins de 3 mois, sans rémission complète
- Péricardite récidivante (ou récurrente) : rechute(s) de péricardite aiguë après une période sans symptômes d’au moins 4 à 6 semaines
- Péricardite chronique: dure plus de 3 mois, sans rémission complète
La péricardite récidivante peut évoluer par :
- récurrences fréquentes : chaque épisode augmentant le risque de récidive ;
- complications : telles que la tamponnade cardiaque (>2%) et rarement la péricardite constrictive (<1%)
Les facteurs prédictifs de récidives sont :
- facteurs majeurs : fièvre>38°C, début subaigu, présence d’un épanchement >20mm, tamponnade et absence de réponse aux AINS/aspirine après J7
- facteurs mineurs : atteinte myocardique associée, immunosuppression, cause traumatique, prise d’anticoagulants oraux
Le pronostic global des péricardites récidivantes est bon avec une létalité quasi nulle.
Traitement
Le traitement médicamenteux de la péricardite récidivante comprend :
- Anti-inflammatoires non stéroïdiens (grade IA) : comme l’aspirine ou l’ibuprofène, à dose anti-inflammatoire, toujours en association avec la colchicine ;
- Colchicine (grade IA) : recommandée dès le premier épisode de PA, pour prévenir les récidives. La durée initiale de 3 mois, est prolongée au fur et à mesure des rechutes successives. Elle peut être prescrite au long cours ;
- Corticoïdes (jamais en première intention, grade IIIC) : utilisés uniquement à faible dose (0,2 à 0,5 mg/kg/j, grade IIaC) et en cas d’échec des AINS et de la colchicine (qui doit être poursuivie), bien que leur utilisation à long terme soit limitée en raison des effets secondaires. La faible dose est justifiée par l’augmentation du risque de récidives en cas d’utilisation de corticoïdes à forte dose. Leur positionnement en 2ème intention est amené à changer dans les années qui viennent.
- Biothérapies ciblant l’interleukine (IL)-1 : aujourd’hui utilisées comme 3ème ligne après échec des corticoïdes/cortico-dépendance, ils ont fait la preuve de leur efficacité dans la PR. Le rilonacept (protéine de fusion ciblant l’IL-1α, l’IL-1β mais aussi l’inhibiteur IL-1Ra) a prouvé son efficacité dans l’essai RHAPSODY (2021) mais n’est pas commercialisé en France. L’anakinra a fait de même dans l’essai AIRTRIP (2016) et son efficacité a été confirmée en vie réelle dans le registre IRAP (2020). Le canakinumab ne cible que l’IL-1 β et aucune donnée evidence based ne soutient son efficacité. Le goflikicept a produit des résultats positifs, au cours d’un essai réalisé en Russie en 2023. Le positionnement des biothérapies anti-IL-1 est amené à évoluer dans les années à venir.
- En cas de résistance aux traitements médicamenteux cités ci-dessus, ou selon la cause sous-jacente, d’autres traitements peuvent être prescrits ; il s’agit d’immunosuppresseurs comme l’azathioprine, le méthotrexate ou le mycophénolate mofétil.
Les modifications de l’activité physique et sportive font partie intégrante du traitement des péricardites.
L’exercice physique peut aggraver l’inflammation, augmenter le risque de myocardite, de récidives et de chronicisation. La tachycardie, quel que soit son origine, augmente les forces de cisaillement délétères sur le péricarde. Le maintien d’une fréquence cardiaque <100 bpm est donc recommandé.
Les recommandations (2015 et 2020) conseillent d’éviter toute activité physique chez les personnes avec un diagnostic récent de péricardite jusqu’à la résolution complète de l’inflammation. Toutefois, l’activité physique (voire la réadaptation cardiaque) adaptée et supervisée est bénéfique pour lutter contre le déconditionnement et améliorer la qualité de vie.
En pratique, on conseille donc :
- repos initial : pendant la phase aiguë, avec limitation de toute activité physique au-delà des activités normales,
- reprise graduelle : en commençant par une phase d’exercice d’intensité modérée, augmentant progressivement par paliers de 4 semaines, en veillant à ce que le patient reste asymptomatique avant de passer à la phase suivante.
En dernier recours, pour les cas sévères, la péricardectomie (opération chirurgicale) peut être envisagée.